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Outils Low-tech et high-tech en CAA : et si on arrêtait de les opposer ? (2/3)

Nous continuons aujourd’hui notre série sur la tendance à opposer les outils low-tech et les outils high-tech en CAA, avec un second opus qui répondra à la question suivante, en se penchant notamment sur les risques, lorsqu’on mise tout sur un appareil de CAA high-tech, et qu’on laisse tomber (qu’on minimise ou qu’on néglige) les outils low-tech.

Pour lire notre première publication sur le sujet, abordant la question de l’existence d’un ordre de présentation des outils low-tech et des outils high-tech, cliquez sur le lien !

#2 Doit-on laisser tomber les autres moyens de communication, lorsqu’on met en place un appareil de CAA high-tech ?



Voyons aujourd'hui 5 avantages à ne pas tout miser sur l’appareil high-tech !

Avantage 1 : Maintenir une communication fonctionnelle, le temps d'apprendre à utiliser un appareil high-tech

Tels que le mentionnent Beukelman et Mirenda (2013), les communicateurs émergents peuvent présenter des comportements présymboliques non conventionnels se traduisant, par exemple, par des cris ou des comportements agressifs dirigés vers eux-mêmes ou vers les autres. Ces comportements peuvent avoir une fonction communicative, visant entre autres à attirer l’attention, obtenir quelque chose ou l’éviter.

Lorsqu’on intervient, il est important de proposer aux utilisateurs un comportement alternatif qui aura une fonction équivalente au comportement-défi et ne sera pas plus difficile à produire que ce dernier, pour obtenir la réponse espérée. Autrement dit : la personne a besoin de se faire comprendre rapidement et avec peu d’efforts.

Or, apprendre à utiliser un appareil high-tech robuste est extrêmement exigeant et peut nécessiter beaucoup de temps, en fonction des utilisateurs. En effet, ces derniers doivent mobiliser leur attention sur l’utilisation de l’appareil, malgré tous les distracteurs environnants, et se concentrer sur le message à transmettre, en même temps qu’ils cherchent comment le produire, ce qui implique également leur mémoire de travail (Thistle, 2013). Sans parler des fonctions exécutives sollicitées pour naviguer entre les différents tableaux, répartis sur plusieurs niveaux, qui ne sont pas directement visibles sur l’écran, sélectionner un message, activer la bande-phrase, attirer l’attention du partenaire de communication, effacer s’ils se trompent, etc.

Par conséquent, l’effort associé à cet apprentissage peut être beaucoup trop important au départ pour que l’utilisateur privilégie l’utilisation de son appareil high-tech, au comportement-défi.

Il est donc important de mettre en place (ou de continuer à laisser à la disposition des utilisateurs) des outils low-tech faciles d’accès et d’utilisation (tableaux de choix, boutons sonores, cahier de communication, séquences visuelles, etc.), de manière à maintenir une communication fonctionnelle, pendant que leurs habiletés à utiliser un appareil high-tech se développent, grâce à l’exposition et à la modélisation par les partenaires de communication.

Avantage 2 : Disposer de moyens de communiquer adaptés à chaque situation, même extrême.

Certains de nos élèves présentent des atteintes motrices importantes, des fenêtres d’éveil et de disponibilité limitées, en plus de vivre beaucoup de douleur.

Mobasheri, M., & coll. (2016) rapportent qu’enseigner à un patient âgé et malade à utiliser un outil de CAA high-tech peut être irréalisable, compte tenu des ressources cognitives et motrices que cela exige.

À la lumière de ce constat, et malgré la différence d’âge, on peut toutefois se demander si nos attentes envers nos jeunes utilisateurs, qui présentent des atteintes cognitives, motrices et de la douleur sont réalistes !

Sans forcément renoncer à l’appareil high-tech, la mise en place ou le maintien de moyens low-tech nous apparaît indispensable, afin de permettre aux utilisateurs de pouvoir communiquer en tout temps et quel que soit leur état.

Avez-vous déjà essayé d’utiliser vous-même un appareil high-tech équipé d’une commande oculaire ? La sélection visuelle est rapidement épuisante, sans parler de l’éclairage de l’écran braqué dans notre champ de vision ! Les efforts que doivent déployer les utilisateurs pour sélectionner la cible, en espérant que le calibrage soit bien fait, sont colossaux et parfois décourageants.

Bien souvent, l’utilisation d’un cadre transparent et de quelques images disposées sur ce dernier, qu’un partenaire de communication présente à nos élèves en s’adaptant à leur positionnement, leur permet d’effectuer une sélection rapide et de communiquer efficacement, dans un contexte donné.

Encore une fois : les outils low-tech sont bienvenus lorsque les utilisateurs sont moins disponibles.

Avantage 3 : Éviter les bris de communication, le temps que les partenaires de communication s'approprient l'appareil high-tech.

Dans une revue systématique concernant la manière dont les outils de CAA low-tech sont perçus dans les établissements de soins aigus, publiée en 2022, Murray et Hopf rapportent qu’en plus d’être intuitifs et faciles à utiliser, de tels outils nécessitent moins d’entraînement que les appareils high-tech, que ce soit pour les patients, pour les familles et pour le personnel d’hôpital.

Il est important de noter que l’entraînement des partenaires de communication est indispensable, quel que soit l’outil (low-tech ou high-tech).

Néanmoins, on peut penser que si les partenaires ont besoin de plus d’entraînement/de temps pour s’approprier un appareil high-tech, et que l’utilisateur ne dispose d’aucun autre moyen de se faire comprendre, la période durant laquelle il n’aura pas accès à un mode de communication fonctionnelle sera elle aussi plus longue.

Avantage 4 : Faciliter l'apprentissage de certaines règles de conversation au moyen des outils low-tech.

Il peut être plus difficile pour nos élèves, particulièrement nos jeunes présentant un trouble dans le spectre de l’autisme, de comprendre que la communication implique au moins une autre personne que soi, et qu'il faut attirer son attention, avant de communiquer un message, pour être sûr d’être entendu.

Ainsi, lorsque certains de nos jeunes ont accès à un appareil high-tech avec sortie vocale (ex. : une tablette électronique munie d’une application de communication), ils acquièrent assez vite le principe d’activer le message correspondant à ce qu’ils veulent communiquer. En revanche, comprendre qu’ils doivent adresser leur message à quelqu’un est beaucoup plus ardu. Par exemple, certains jeunes peuvent activer un message sur leur iPad, alors qu’aucun partenaire de communication n’est présent pour l’entendre. Ils sont assis à leur place, en classe, parfois dos tourné aux intervenants, et ils utilisent leur tablette, sans attirer l’attention de leur partenaire, préalablement.

Il est d’autant plus difficile pour eux de comprendre comment apprendre à diriger leur communication vers quelqu’un, étant donné que chaque partenaire a une manière de répondre différente : une personne, en entendant le message de loin, va se diriger vers le jeune et lui répondre, alors qu’une autre va attendre que l’élève s’approche d’au moins quelques mètres, voire exiger que l'utilisateur se déplace jusqu’à elle et attire son attention en la touchant, avant de considérer son message.

Or, avec un outil low-tech basé sur l’échange d’images (ex.: PECS), on remarque que nos élèves assimilent rapidement des principes élémentaires de la communication, tels que s’approcher d’un partenaire et attirer son attention de façon relativement acceptable socialement (ex.: en tapotant le bras de l’interlocuteur), avant de communiquer leur message. L’utilisation d’un objet concret (une image) à remettre à quelqu’un, implique obligatoirement un déplacement qui permet à l’utilisateur d’être suffisamment près du partenaire de communication pour se faire entendre. C’est à la fois plus simple pour l'élève, mais aussi pour les partenaires, qui sont ainsi plus constants dans leur réponse. Ceci permet également d’introduire très tôt dans l’apprentissage de la personne une habileté stratégique utile pour réduire les bris de communication liés au fait que le message n’a pas été entendu.

Nous constatons par ailleurs que nos élèves avec TSA ayant développé cette habileté, lors de la mise en place d’un système basé sur l’échange d’images la conservent, lorsqu’on introduit une tablette électronique. D’où l’intérêt de conjuguer les bénéfices des outils low-tech à ceux des outils high-tech !

Avantage 5 : Continuer à communiquer en cas d’indisponibilité de l’appareil high-tech.


Si l’utilisateur ne dispose que d’un appareil high-tech, il ne pourra plus communiquer si :

  • L'appareil est déchargé ;

  • L’appareil est brisé ;

  • L’utilisation de l’appareil est peu propice dans un contexte donné (ex. : ne peut être installé sur le bras de montage, parce qu’on est en voiture ; ne peut pas aller dans l’eau, n’est pas accessible à l’utilisateur, en position couchée, etc.) ;

  • L’appareil est perdu.


Les outils low-tech sont indispensables pour palier l’indisponibilité de l’appareil high-tech : disposer d’une version imprimée du contenu de la tablette électronique, d’un cahier de communication, ou de différents tableaux de communication ou de langage assisté permettra de s’assurer que l’utilisateur peut toujours communiquer.

En conclusion, l'appareil high-tech est une partie du système de communication de l'utilisateur qui ne se suffit pas à lui-même. Laisser tomber les autres composants du système ou négliger de les développer prive la personne de moyens de communiquer efficaces dans bien des situations !


Dans la prochaine et dernière publication de cette série, nous aborderons les avantages à ne pas tout miser sur les outils low-tech ! Suivez-nous ! 😊


Références ayant inspiré cette publication :


Beukelman, D., & Mirenda, P. (2013). Augmentative and alternative communication: Supporting children and adults with complex communication needs (4th ed.) Baltimore: Paul H. Brookes.


Mobasheri, M., & coll. (2016). Communication aidrequirements of intensive care unit patients with transient speech loss. Augmentative and Alternative Communication(Baltimore, Md. : 1985), 32(4), 261-271.


Thistle, J. J., & Wilkinson, K. M. (2013). Working memory demands of aided augmentative and alternative communication for individualswithdevelopmentaldisabilities. Augmentative and Alternative Communication, 29(3), 235-245.

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