top of page
  • Ça dit ça

Quand un parent enseigne comment modéliser à toute la famille

Par Floriane Olivier (orthophoniste) et Julie Paquet (enseignante)


La modélisation, une approche soutenue par la littérature scientifique


Le mois d’octobre étant le mois de la CAA, il nous semblait important de mettre l’emphase sur une stratégie d’intervention incontournable, qui permet à nos jeunes de s’approprier leurs appareils de communication : la modélisation.

Cette stratégie implique un partenaire (parent, frère ou sœur, par exemple) qui interagit avec l’utilisateur de CAA, en se servant à la fois de la parole et de l’outil de communication de ce dernier, en contexte naturel. De cette façon, le partenaire converse avec la personne, en employant le mode de communication qu'elle apprend à utiliser et en lui fournissant ainsi un modèle.

L'efficacité de la modélisation est particulièrement documentée, dans la littérature scientifique. Trois études systématiques récentes la soutiennent.



Étant donné que l’efficacité de la modélisation a déjà été prouvée, nous avons choisi de nous pencher sur un aspect moins rebattu, à savoir : comment intégrer cette approche qui marche, dans la vie quotidienne ?

En septembre dernier, nous avons pu constater à quel point les familles se sentaient peu formées et peu accompagnées, dans l’utilisation et l’intégration quotidienne de la CAA (voir notre série “CAA : Quand la recherche donne la parole aux parents” à ce sujet). Or, on sait à quel point l’implication des membres de la famille est importante pour offrir des opportunités de communication aux jeunes utilisateurs de CAA, dans des contextes naturels, et pour favoriser la généralisation de leurs compétences de communication.

On le sait... mais comment s’y prendre ?

Les études sur le sujet sont peu nombreuses, et ne concernent souvent, lorsqu’elles existent, que certains membres de la famille proche (les mamans en général, parfois un peu les pères et un peu la fratrie). Il n’existe pas de recherche sur l’implication de la famille élargie, qui a pourtant une importance et une présence réelle dans la vie des jeunes utilisateurs de CAA.

Il est d’ailleurs intéressant de constater, en consultant les réponses à un sondage que nous avons publié sur notre groupe Facebook Ça dit Ça, il y a quelque temps, que les personnes de l’entourage qui modélisent le plus à nos jeunes utilisateurs de CAA sont justement les membres de la famille immédiate (maman, principalement, papa et fratrie, ensuite), mais rarement la famille élargie.



L’étude de cas de Sarah N. Douglas et de ses collaborateurs, parue en février 2022, a attiré notre attention, en se penchant sur la formation et l’accompagnement à la modélisation des membres de la famille proche et élargie d'un utilisateur de CAA. Plus particulièrement, on a voulu étudier l’efficacité d’une intervention au cours de laquelle un membre de la famille (la mère) jouait le rôle du formateur et de l’accompagnateur auprès des autres membres, après avoir lui-même bénéficié d’un entraînement avec l’un des chercheurs (application d’un modèle dit “en cascade”). On a également prêté attention à l’effet des interventions sur l’utilisation de l’outil de CAA par sa propriétaire, ainsi qu’à la façon dont les membres de la famille percevaient l’intervention, tout au long du processus, en vue de valider l’approche socialement.

Dans la suite de cet article, nous vous présenterons la famille qui a participé à cette étude, en quoi consistait la formation et l’accompagnement que les membres ont reçu lors de l’intervention, les résultats obtenus ainsi que quelques nuances mises en évidence suite à l’expérimentation.


Ambre et sa famille

Pour réaliser cette étude, les scientifiques étaient à la recherche de familles répondant aux critères suivants :

  • Avoir un enfant âgé de 4 à 8 ans, présentant des besoins complexes de communication ;

  • Cet enfant devait avoir accès à un appareil de communication high tech ;

  • Le jeune devait présenter un profil de communication se situant entre le niveau 3 (communication intentionnelle, non conventionnelle) et le niveau 5 (utilisation de symboles concrets), suite à une évaluation à l’aide de l’outil Communication Matrix ;

  • La famille devait par ailleurs être constituée d’au moins 4 membres âgés de 8 ans ou plus.

À l’issue du processus de sélection, la famille d’Ambre a été retenue. Ambre est la deuxième d’une fratrie de 6 enfants. Les plus jeunes frères et sœurs, âgés de 5 ans, 2 ans, et 1 an (les deux derniers enfants sont jumeaux), n’ont pas été retenus pour l’étude. En revanche, le grand frère d’Ambre, 9 ans, son père, sa mère, sa tante et sa grand-tante ont participé à l’étude. Aucun d’entre eux n’avait expérimenté la modélisation à l’aide d’un appareil de communication, avant l’étude, et ils n’avaient jamais bénéficié d’une formation ou d’un accompagnement dans ce domaine.

Ambre

Ambre est une petite fille de 7 ans, présentant un diagnostic de TSA de niveau 3 (requérant donc un soutien très important, au quotidien). La jeune fille communique principalement à l’aide de signes (un répertoire d’une vingtaine) avec son entourage. Depuis un an et demi, au moment du début de l’étude, elle possède également une tablette électronique (iPad), munie d’une application de communication (Proloquo2go, équipée de la banque de pictogrammes Symbolstix), mais ne l’utilise qu'occasionnellement à la maison, et davantage à l’école, qui se charge d’ailleurs d’en programmer le contenu. La famille manifeste le désir qu'Ambre devienne plus efficace avec son appareil, afin de mieux se faire comprendre par les partenaires de communication moins familiers.

Les tableaux de communication programmés dans la tablette électronique d’Ambre contiennent :

  • 36 mots de vocabulaire de base (présents sur toutes ses planches) ;

  • Environ 200 mots de vocabulaire spécifique, en lien avec ses besoins, les choses et lieux familiers dans son environnement, des adjectifs, des formules de politesse (merci, bonjour), ses activités et items favoris.

Ambre est capable de naviguer d’un tableau à l’autre, dans sa programmation, et d’utiliser des symboles, occasionnellement, de façon spontanée pour faire des demandes (nourriture) ou exprimer des besoins (activités préférées, musique, etc.). On remarque toutefois qu’elle recourt rarement à son iPad pour engager des interactions sociales ou obtenir des informations.

Ceci est également souligné, lors de l’évaluation à l’aide de la Matrice de Communication, où la jeune présente en général des compétences plus élevées (niveau 5) en ce qui a trait aux demandes et aux refus d’objets ou d’action, qu’en ce qui concerne les interactions sociales et l’échange d’informations (niveau 3).

Une version francophone en pdf est disponible en cliquant sur le lien suivant.


Les membres de la famille sélectionnés pour l’étude

  • Megan, la maman, a 35 ans, est mère au foyer, et a un niveau d’études universitaire ;

  • Le papa, 38 ans, est chauffeur-livreur, et a un niveau d’études universitaire également ;

  • Le grand frère d’Ambre, 9 ans, en troisième année (équivalent CE2), très enthousiaste à l’idée de participer à l’étude ;

  • La grand-tante d’Ambre, 61 ans, célibataire, a un niveau d’études secondaire et un métier de secrétaire. Elle ne vit pas avec la famille, mais leur rend visite au moins une fois par semaine pour donner du répit à la maman ;

  • La tante d’Ambre, 26 ans, célibataire, a un niveau universitaire et travaille comme agente de correction. Elle ne vit pas non plus avec Ambre et sa famille, mais elle leur rend visite chaque semaine pour passer du temps avec eux.

La formation et l’accompagnement

Cette étude a commencé en mars 2020, juste avant la pandémie, et s’est poursuivie malgré le contexte, jusqu’en septembre 2020. La famille s’est vu remettre un iPad muni d’un accès à Zoom pour le suivi avec les chercheurs. La recherche s’est déroulée en trois phases :

  • Niveau de base (une session par semaine)

  • Intervention (deux sessions par semaine)

  • Maintien (une semaine sur deux)


Phase 1 : Niveau de base

La première phase de l’étude consistait en des observations (via Zoom) d’interactions entre chaque membre de la famille et Ambre, durant les activités qui avaient été ciblées, avant que la famille ne soit formée à la modélisation. La tablette électronique d’Ambre était disponible lors de chaque session. Cette étape a permis aux chercheurs de recueillir un seuil de départ, concernant les habiletés des membres de la famille à modéliser, à travers un minimum de 5 sessions d’observations par dyade.

Phase 2 : Intervention


Formation

Dans un premier temps, le 4ème auteur de l’étude a offert une formation à la modélisation à Megan, la maman d’Ambre, à distance. Il l’a également préparée à accompagner les autres membres de la famille, à travers des explications et des supports de formation. C’est aussi lui qui a accompagné la dyade Megan-Ambre, lors de la suite de l’intervention. À son tour, Megan a formé les membres de la famille, en personne, et a accompagné les autres dyades (père-Ambre, frère-Ambre, tante-Ambre, grand-tante-Ambre).

Le contenu de formation (dont nous vous parlerons davantage dans une prochaine publication) consistait en des explications orales, des supports visuels (ex.: présentation, vidéos), ainsi que des discussions. Le même matériel a été utilisé pour tous les membres de la famille, incluant avec le frère aîné d’Ambre (âgé de 9 ans), pour lequel quelques adaptations ont été réalisées (niveau de langage et supports visuels). La formation a duré entre une demi-heure et une heure, en fonction des membres de la famille (en moyenne: 42 minutes).

À l'issue de la formation, chaque participant a identifié une activité cible et des mots à modéliser, lors des interactions avec Ambre.

Maman

Papa

Grand frère

Grand-tante

Tante

Activité choisie

Lecture d’histoires (livres de la famille)

Musique et danse, et occasionnellement jeux et puzzles (casse-tête)

S’amuser avec des jouets sonores ou musicaux

Collation ou dîner

Jeux (jouets sonores, blocs)

Lieux

Au salon

Au salon

Dans la chambre ou la salle de jeux

Dans la cuisine

Dans le salon ou la chambre

Mots-cibles

Je, vouloir, écouter, regarder, voir, s'assoir, lire, livre, fini, encore, après, tourner, d’abord, après, etc.

Je, vouloir, musique, autre, aider, finir, bien, plus vite, moins vite, pause, puzzle

Je, vouloir, jouer, mon tour, ton tour, aller, bien, aider, violon, chanteur, chanter, écouteurs, autos, couleur, balle, wow

Bon, fini, eau, collation, encore, manger, terminé, vouloir, banane, compote de pommes, craquelins, jus

Ton tour, fun, vouloir, jouer, encore, toi, essayer, bon


Accompagnement

Par la suite, les membres de la famille ont bénéficié de deux sessions d’accompagnement par semaine d’une durée d’environ 15 à 20 minutes chacune, se déroulant de la façon suivante :


Pré-observation

- Le formateur fait un retour avec le membre de la famille sur l’utilisation de la modélisation au quotidien, depuis la dernière session ;

- Le formateur et le membre de la famille déterminent un plan d’action ;

- Révision des stratégies de modélisation enseignées lors de la formation.


Observation ininterrompue

Le membre de la famille interagit avec Ambre durant une dizaine de minutes, lors de l’activité qui a été ciblée (ex.: lecture d’histoire, collation, écoute de musique, etc.).


Post-observation

Le formateur et le membre de la famille font un retour sur l’intervention (les stratégies de modélisation utilisées et ce qui reste à améliorer).

Le nombre de sessions d’accompagnement dépendait de la qualité de la modélisation offerte à Ambre par les membres de la famille. L’accompagnement prenait fin lorsque les participants appliquaient toutes les stratégies enseignées dans 80% des modèles donnés durant trois sessions.

Ces stratégies consistaient par exemple, à s’assurer que l’appareil était à la vue et à la portée d’Ambre, qu’on s’adressait à elle de façon à faciliter sa participation (ex.: en lui offrant des choix, en lui posant des questions ouvertes, en faisant des commentaires, etc.), qu’on lui laissait le temps de répondre, etc. (nous y reviendrons dans une prochaine publication).

Nombre de sessions d’accompagnement nécessaires pour obtenir 80% de modèles de bonne qualité par participant :

Maman

Papa

Grand frère

Grand-tante

Tante

7

3

9

6

8

Note personnelle : bien que les chercheurs n’aient émis aucun commentaire à ce sujet, il est intéressant de voir que le papa d’Ambre est le membre de la famille qui a appliqué le plus rapidement les stratégies enseignées et offert des modèles de très bonne qualité à sa fille. Peut-être que ce papa est exceptionnel OU peut-être qu'on devrait encourager davantage les papas à participer aux interventions en CAA, parce qu’ils sont bons ? :-)

Phase 3 : Maintien

Suite aux sessions de formation et d’accompagnement, chaque dyade a été observée, toutes les deux semaines, à cinq reprises, en vue d’évaluer si les participants continuaient à employer les stratégies de modélisation. Durant cette phase, le formateur n’échangeait pas avec les participants et observait uniquement les interactions de chaque dyade. Les sessions duraient une dizaine de minutes en moyenne. À noter que la tante d’Ambre n’a pas pu participer à la phase de maintien (du fait de la longueur de l’étude et des délais lié à la COVID, entre autres).

Fidélité procédurale

Un assistant de recherche a évalué si chaque phase de l’étude respectait le protocole défini au départ. Pour ce faire, des listes de contrôle ont été élaborées, détaillant les actions à réaliser pour chaque étape. Par exemple, s’assurer pour les phases 1 (niveau de base) et 3 (maintien), que la caméra de l’iPad qui filmait les interactions était bien dirigée vers Ambre et le membre de la famille qui interagissait avec elle ou que le formateur n’intervenait pas, lorsqu'il était censé s’en abstenir. Pour la phase 2, les listes de contrôle permettaient également de vérifier que les éléments de formation avaient bien été transmis par le chercheur-formateur à Megan, et par Megan, aux membres de la famille ensuite, et que chacun avait également suivi les étapes lors de l’accompagnement des membres de la famille (en prenant le temps faire un retour avec le participant, avant et après la période d’observation).

La fidélité procédurale pour chacune des étapes se situait entre 96 et 100%. Il est intéressant de constater que la maman d’Ambre a été en mesure de suivre le protocole avec une fidélité de 100%, dans la formation et l’accompagnement des autres membres de la famille. Je trouve que c’est très encourageant ! Ceci appuie l’idée qu’un parent qui reçoit une formation et un accompagnement appropriés à la modélisation, a le potentiel de devenir un agent multiplicateur puissant pour l’entourage de l’utilisateur de CAA.

Résultats

Efficacité de l’intervention

En ce qui concerne l’efficacité d’une intervention au cours de laquelle un membre de la famille (la mère) jouait le rôle du formateur et de l’accompagnateur avec les autres membres, après avoir lui-même bénéficié d’un entraînement avec l’un des chercheurs, cette étude a permis de démontrer une relation fonctionnelle entre l’intervention (formation et accompagnement) et la mise en œuvre de la modélisation par les membres de la famille.

En effet, avant de recevoir la formation, aucun des membres ne modélisait. En revanche, tout de suite après, les résultats permettent de constater :

- que les membres de la famille se sont mis à modéliser plus ;

- que la qualité des modèles offerts s’est améliorée : tous les membres de la famille ont été en mesure d’offrir 80% et plus de bons modèles à Ambre durant au moins trois sessions (grâce à un accompagnement variant entre 3 et 9 sessions en tout, en fonction des participants) ;

- que les membres ont continué à modéliser après 10 semaines et à appliquer les stratégies enseignées, même si des variations sont observées (parfois un peu moins de modèles que durant la phase d’intervention, ainsi que des fluctuations dans la qualité des modèles, selon les membres).

Effet sur l’utilisation de l’outil de CAA

En ce qui concerne l’effet des interventions sur l’utilisation de l’outil de CAA par Ambre, les résultats montrent que la jeune fille s’est mise à se servir un peu plus spontanément de son iPad pour communiquer, lors des interventions avec les membres de la famille. Les chercheurs n’ont pas collecté de données en dehors des moments ciblés pour les activités, de sorte qu’ils ne peuvent pas se prononcer sur l’utilisation de la tablette au quotidien.

À l’issue de l’étude, les signes sont demeurés la modalité de communication principale d’Ambre, ce qui est normal, étant donné que c’est ainsi qu’elle communique depuis toute petite, et que ses intentions gestuelles sont renforcées par la famille qui y répond, et qui a été encouragée à continuer à le faire, pendant l’étude. En effet, l’objectif n’était pas de remplacer les signes, mais d’offrir à Ambre de nouveaux moyens efficaces de communiquer (communication multimodale). Il faudra du temps à la jeune fille pour s’approprier ce nouveau mode de communication.

Au début de l’étude, la tablette était très peu utilisée à la maison. Megan était la seule qui connaissait un peu l’outil, mais elle ne se sentait pas vraiment à l’aise pour l’intégrer au quotidien. L’intervention a permis à l’ensemble des membres de la famille d’apprivoiser l’appareil de CAA et d’en comprendre le potentiel. C’est un résultat important, car il ressort des études concernant l’intégration des outils high tech que cela est chronophage, stressant et accablant pour les parents, surtout lorsqu’ils ne reçoivent pas la formation et le soutien nécessaires. Le père d’Ambre a pris conscience que l’iPad pouvait offrir à sa fille l'opportunité d’exprimer beaucoup plus de choses. La grand-tante et la tante d’Ambre, qui devaient auparavant demander l’aide des frères et sœurs de la fillette pour « traduire » ses intentions de communication, ont également réalisé que la tablette électronique facilitait les échanges avec les interlocuteurs moins familiers. Le frère d’Ambre a conclu quant à lui que l’iPad de sa sœur n’était pas un jouet, mais un outil ayant pour but d’aider cette dernière à se faire comprendre.

Les membres de la famille ont également constaté que le fait de modéliser en utilisant la tablette d’Ambre a conduit la jeune fille à s’en servir davantage elle-même. Ils ont rapporté qu’elle s’y référait plus, prenait des initiatives de communication avec, commençait à l’apporter avec elle. Les parents ont également noté une augmentation de son vocabulaire, à travers l’utilisation de l’iPad. Même si les progrès demeuraient modestes, ils étaient très significatifs pour la famille qui avait souvent des difficultés à interpréter les signes et les gestes d’Ambre, au quotidien.

Validité sociale de l’étude

Enfin, les chercheurs se sont intéressés à la perception des membres de la famille tout au long du processus, afin de mesurer la validité sociale de l’expérience.

Tous les proches impliqués ont réalisé l’importance de permettre à Ambre de se faire comprendre par ses interlocuteurs et leur responsabilité, en tant que partenaire de communication, dans l’acquisition par la jeune fille de moyens de communiquer efficacement avec les autres.

Ils ont rapporté que la formation et l’accompagnement qu’ils avaient reçus leur avaient été utiles et aidants pour mieux communiquer avec la fillette. Bien plus, ceci a permis aux membres de se sentir beaucoup plus confiants, dans leurs interactions avec Ambre, parce qu’ils savaient désormais comment s’y prendre.

Megan, la maman, a également apprécié son expérience de « coach ». C’était enthousiasmant pour elle d’aider le reste de la famille à acquérir les bonnes stratégies pour modéliser, et de voir que les membres connectaient davantage avec Ambre. Elle a d’ailleurs remarqué d’autres effets positifs de la modélisation, sur le comportement de sa fille, qui « s’énervait moins vite » (peut-être parce que l’utilisation de la tablette apportait un soutien visuel, au plan réceptif, et permettait à Ambre de mieux comprendre ou anticiper les choses ?).

À l’issue de l’étude, les membres étaient unanimes, quant à l’intention de continuer à modéliser, y compris le frère d’Ambre, qui a pris très à cœur l’idée d’apprendre de nouvelles façons de communiquer à sa sœur. Les membres de la famille élargie auraient même souhaité en cours d’étude pouvoir modéliser dans des activités différentes de celles qui avaient été ciblées, afin de s’habiliter à communiquer avec Ambre dans des contextes variés. Les chercheurs mentionnent d’ailleurs que cet aspect devrait être étudié, afin de vérifier la généralisation des stratégies enseignées, au quotidien et à long terme. Finalement, lorsqu’on a demandé à Ambre si elle voulait continuer à passer du temps avec sa famille à utiliser son iPad, la jeune fille a hoché la tête. À bon entendeur !


Discussion et limites

À travers cette étude, les chercheurs souhaitaient explorer des moyens pour les professionnels (dont les orthophonistes, notamment) d’intervenir auprès des familles et des personnes œuvrant auprès d’enfants peu verbaux et présentant un diagnostic de TSA.

Les résultats de l’étude vont dans le sens de ce qui a déjà été documenté depuis plusieurs années, au sujet du développement des compétences de l’entourage familial : des parents formés et accompagnés se sentent impliqués, utiles, comprennent comment et pourquoi intervenir avec leur jeune, qu’ils voient progresser, ce qui entretient leur motivation à persévérer, comme cela a pu se vérifier avec la famille d’Ambre.

Dans le cas de cette famille, le modèle d’intervention donnant à la mère un rôle de formatrice pour les autres membres a été un succès, tant pour Megan que pour le reste de la famille. Ceci a été possible, parce que :

  • La maman était intéressée à assumer cette responsabilité ;

  • Elle a reçu le support nécessaire pour bien modéliser, mais aussi pour former et accompagner d’autres personnes ;

  • L’environnement familial permettait à Megan de prendre cette place.


Même si le modèle est prometteur, au vu des résultats obtenus avec la famille d’Ambre, cette étude ne suffit pas pour se prononcer sur sa faisabilité dans toutes les familles d’enfants utilisateurs de CAA et présentant un TSA. Plusieurs questions demeurent, dont :

  • Est-ce qu’un professionnel travaillant dans une école ou accompagnant une famille pourrait former un parent, comme l’un des chercheurs a formé Megan ?

  • Est-ce que de telles interventions, centrées sur les compétences des membres de la famille, auront un impact à long terme sur la généralisation des compétences de communication du jeune ?

  • Comment identifier les familles et les membres « centraux » (membre ciblé comme formateur) à qui ce modèle pourrait convenir, compte tenu entre autres, des différences culturelles, socio-économiques et linguistiques, d’une famille à l’autre.

Si cet article a éveillé votre curiosité, sachez qu’un second volet est prévu, avec des conseils et outils concrets, découlant directement de l’étude de Sarah N. Douglas et coll., pour intégrer ce type de modèles dans nos pratiques quotidiennes. Nous y décrirons notamment les stratégies de modélisation enseignées à la famille d’Ambre, qui pourront vous aider à améliorer les modèles que vous donnez à votre jeune, mais aussi à mieux guider les personnes que vous accompagnez, le cas échéant.

Pour en savoir plus sur l’étude que nous vous présentons ici, voici les références : Douglas, S.N., Meadan, H., Biggs, E.E. et al. (2022) Building Family Capacity : supporting multiple family members to implement aided Language modeling. J Autism Dev Disord. https://doi.org/10.1007/s10803-022-05492-4

154 vues0 commentaire
Post: Blog2 Post
bottom of page