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  • Ça dit ça

Systèmes de CAA “robustes” : parlons-en !

Par Floriane Olivier (orthophoniste) et Julie Paquet (enseignante)


ROBUSTE, un mot qu’on entend de plus en plus, mais qui reste encore un peu nébuleux pour tout le monde, et qui peut parfois devenir réducteur !

Un système de CAA robuste : qu’est-ce que c’est ?


Prenons le temps de discuter un peu de ce terme, avec l’aide de Carole Zangari, qui l’a démystifié pour nous sur son blog PrAACticalAAC.org, dans une publication parue en décembre 2021 : PrAACtical Questions: “What Does a Robust AAC System Look Like ?

Il est intéressant de constater, premièrement, qu’un système de CAA robuste n’est pas seulement un appareil électronique de haute technologie, équipé d’une synthèse vocale, mais un ensemble de composantes complémentaires, permettant à un utilisateur de communiquer, à travers :

  • Son corps (ex.: ses gestes, ses vocalisations ou mots, ses mouvements, ses expressions faciales, etc.) ;

  • Des outils de communication non technologiques (ex.: cahier de communication, anneau de pictogrammes, tableau alphabétique, etc.) ;

  • Des outils de communication de basse technologie (ex.: boutons sonores, etc.) ;

  • Des outils de communication de haute technologie (ex.: tablettes électroniques, appareils électroniques dédiés, etc.).

Un système de CAA robuste permet aussi de communiquer à travers toutes sortes de modalités. Carole Zangari cite l’exemple de la manette de jeux-vidéo qu’on peut agiter pour signifier à quelqu’un qu’on veut jouer (et ce type de communication n’est pas réservé aux utilisateurs de CAA seulement !) ou de la communication non verbale, qui vaut mille mots... Qui d’entre nous n’a jamais manifesté son désintérêt lors d’une conversation de groupe, en s’éclipsant discrètement ? Ne soyons pas surpris lorsque nos jeunes nous tournent le dos (un peu moins subtilement) et s’en vont faire autre chose ou bâillent sans la moindre gêne (et sans jamais mettre la main devant la bouche), quand nous essayons désespérément de les intéresser...!

L’accès à l’écrit, et plus particulièrement à l’alphabet, est également un incontournable du système de CAA robuste. L’utilisateur, même s’il n’est pas encore en mesure de les manier, doit être exposé aux lettres, et avoir l'opportunité de les utiliser.

Un système de CAA robuste doit aussi mette à la disposition de l’utilisateur un vocabulaire varié, incluant :

  • Des mots de classes grammaticales différentes (pronoms, noms, verbes, adjectifs, adverbes, petits mots tels que les déterminants, les prépositions, les conjonctions etc.) ;

  • Du vocabulaire de base (soit les mots utilisés les plus fréquemment, dont le nombre varie entre 350 et 500 mots) ;

  • Du vocabulaire spécifique (incluant des mots reliés aux intérêts de la personne, à son vécu et à des contextes spécifiques) ;

  • Des messages pré-enregistrés, qui rendent la communication plus fluide, et permettent, en un clic, de transmettre des phrases entières ou des questions toutes prêtes.


L'accès aux formes grammaticales est aussi une condition : le genre et le nombre des mots, ainsi que la possibilité de conjuguer les verbes selon différents temps, font partie d’un système de CAA robuste.


Enfin, l’organisation du vocabulaire doit être pensée de manière à faciliter l'expérience de l’utilisateur et à permettre l’ajout de nouveaux mots au fil du temps, sans avoir à recourir à des remaniements majeurs. L'organisation d’un système de CAA robuste est élaborée avec une vision à long terme.



Considérant les caractéristiques d’un système de CAA robuste, quelles applications de communication devrait-on privilégier, lorsqu’on envisage d’équiper un utilisateur de CAA d’un moyen de haute technologie ?

Des applications renforçant la robustesse d’un système de CAA

En ce qui concerne la partie “high tech” du système, Mathilde Suc-Mella, consultante en CAA et formatrice PODD, du site Caapables.fr, a élaboré un outil intéressant concernant les applications/logiciels francophones actuellement considérés comme robustes (dernière mise à jour en novembre 2022), que vous pourrez consulter ici.

D’autres applications intéressantes existent, mais n’ont malheureusement pas encore leur version francophone, alors, il nous faudra patienter !

La grande question, après avoir consulté de tableau de Mathilde, c’est : “Comment faire si mon jeune n’utilise pas l’une de ces applications ?”. Faut-il tout changer ?

Dans notre école, une grande partie des élèves équipés de tablettes électroniques utilisent encore une application qui ne fait pas partie de la liste. Certains se débrouillent plutôt bien, d’autres beaucoup moins.


Le point commun à tous ces jeunes est qu’ils n’ont pas eu droit à un vocabulaire varié, pensé et organisé sur du long terme, l’application ne fournissant pas de programmation de départ, en français. Par conséquent, toutes sortes d’intervenants bien intentionnés se sont relayés, année après année pour y ajouter du contenu... ou tout recommencer à zéro.

Résultat des courses :

  • Des jeunes avec des difficultés d’apprentissage qui doivent néanmoins réapprendre à se repérer dans une programmation qui change régulièrement ;

  • Un stock de vocabulaire très incomplet avec une surreprésentation des noms, quelques descripteurs (couleurs, formes, chiffres), de rares mots de vocabulaire de base (veux, encore, fini, aider) et une absence quasi-totale de verbes ;

  • Des tableaux de communication souvent restreints à des contextes scolaires, et inadaptés à la vie de tous les jours.


Nous avons relativement bien vécu avec cet état de fait, jusqu’à ce que nous découvrions l’importance de développer le vocabulaire de base de nos jeunes, parce qu’ils vivaient des bris de communication à répétition (à ce sujet, vous pourrez écouter notre conférence donnée en français, lors de l'événement AAC In the Cloud, en juin 2022). Effectivement, on passait notre temps à constater que nos élèves n’avaient pas accès à tel ou tel mot dans leur tablette, et à leur faire manquer des opportunités de communication, alors que la présence du simple mot de base “ça” aurait pu leur permettre de participer.


Nous avons également commencé à voir les limites de nos applications lorsque nous avons mis les pieds dans l’univers de la modélisation... Comment amener le jeune plus loin dans le développement de son langage et de sa communication s’il n’était pas exposé à un vocabulaire plus riche, par l'intermédiaire de ses outils de CAA ?

Du jour au lendemain, nous ne nous sommes pas débarrassées de toutes nos licences d’applications non robustes. Mais nous sommes devenues plus conscientes de l’importance d’ajouter un contenu pensé sur du long terme, pour éviter des modifications majeures dans l’organisation du vocabulaire, année après années.

Nous avons commencé à bâtir des programmations incluant des mots de classes grammaticales variées avec des codes de couleur pour les repérer, des mots de vocabulaire de base et pas seulement du vocabulaire spécifique, des messages pré-enregistrés, le tout permettant aux jeunes d’exprimer différentes fonctions de communication. Nous avons également réfléchi à une organisation et un contenu permettant une utilisation de l’outil dans tous les milieux fréquentés par le jeune, plutôt que de multiplier des tableaux de communication restreints à une utilisation en contexte scolaire. L’accès à un clavier a été ajouté, en vue du développement futur du langage écrit.


Ces adaptations ne sont pas parfaites, mais elles vont permettre de mieux répondre aux besoins de nos jeunes, et pour plusieurs d’entre eux, il sera plus profitable de demeurer avec l’application qu’ils utilisent depuis plusieurs années, avec un contenu amélioré, que de tout réapprendre, alors que la fin de leur scolarité approche.


Nous avons également commencé à explorer des applications répondant plus facilement aux critères de robustesse du système de CAA. Elles ont beaucoup d’avantages, mais elles ne sont pas parfaites, non plus ! C’est pourquoi nous ne nous précipitons pas pour tout changer ! Parfois, le contenu de ces applications “pré-programmées” est beaucoup trop vaste pour nos jeunes, qui vivent avec une déficience intellectuelle importante. Alors, là aussi, il y a des adaptations à faire, et tout ceci prend du temps.

Certains de nos jeunes commencent à utiliser des applications qui font partie de la "liste” et nous pensons qu’il y en aura de plus en plus, au fur et à mesure que nous serons capables de leur offrir un contenu qui répond à leurs besoins d’aujourd’hui et de demain.


On ne peut pas tout changer en un jour ! Respecter les besoins et le rythme d'apprentissage de nos jeunes est primordial. Il est donc important de bien évaluer les avantages et les inconvénients à modifier le contenu de la programmation, voire même l'application ou le logiciel utilisé par nos jeunes, afin de ne pas nuire à leur communication et à leurs apprentissages.

En conclusion :

  • Quelle que soit l’application que votre jeune utilise, il est toujours possible de faire en sorte qu’il ait accès à plus de vocabulaire et que celui-ci soit mieux organisé.

  • N’oubliez pas que tout ne dépend pas seulement de l’appareil de haute technologie, mais que c’est un ensemble de composantes qui rendront son système de CAA “robuste”. Les lettres de l’alphabet peuvent aussi être représentées sur un tableau papier !

  • Évitez de modifier à répétition le contenu de l’application de votre jeune, mais prenez plutôt le temps, avec l’aide d’un professionnel expérimenté en CAA, de bien penser à l’organisation du vocabulaire, avant de procéder.

  • N'hésitez pas à tenir compte de ces balises pour guider votre réflexion, lorsque vous devrez de nouveau choisir une application de communication pour l’un de vos utilisateurs !


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